Poètes et écrivain·e·s du Monde
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 Insulaire

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2 participants
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Mario
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Mario



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MessageSujet: Insulaire   Insulaire I_icon_minitimeMar 30 Avr - 9:51

Longtemps que je n'avais pas posté ici.
Voici un texte écrit pour mon blog, se voulant renouer avec la fantaisie. Je n'abandonne pas un "concept", je me balade plutôt d'ambiance en ambiance. C'est comme retrouver une vieille amie, même si elle me donne parfois du fil à retordre. Bon signe, peut-être.

Pour ce texte, j'ai mêlé l'esprit fantaisiste au possible, tout en testant un moyen - ou système ? - d'écriture simple. Me suis baladé dans l'une des grandes surfaces littéraires parisiennes, regardant les titres et les couvertures de bouquins pendant deux heures, notant des idées selon ce que je voyais simplement de l'extérieur du livre. Les notes orientent un peu l'univers que j'ai voulu créer, mais ne le commandent aucunement.







https://www.youtube.com/watch?v=hVK-s84SN_s




- Moi, plus tard, j'habiterai là, dans cette ville. Celle de Happy Land, sur Erromango. Je le sens ; là-bas, je deviendrai un prédateur du soleil. Un pirate du ciel qui ne craint ni l'orage, ni la foudre, ni les grands nuages noirs qui grondent gravement, dans leurs migrations éternelles. La peau cuivrée, je ressemblerai à une indigène, vêtue de peaux d'étoiles, alors je danserai sur l'onde transparente. Ainsi commencera le chant de la sirène ; les planètes dévastées en exode trouveront leur refuge dans mon âme. Quand la pluie tapera contre nos carreaux écarquillés, je serai la meilleure des mers, tranquille, berceuse au roulis tendre. La vie est comme ça, je crois, quand on habite sur Erromango.


La petite se sentait en tangage de barque sur l'eau. Dodelinant la tête, elle écoutait la musique de couloir tout en se laissant aller à des paroles rêveuses. Songe de Marquises, en robe musicale, accompagné par la voix d'un pauvre diable en fin de vie, qui réussit encore à crier quelques beautés dans la boîte noire. Ses cils papillonnaient doucement, comme deux hamacs posés au creux d'un soleil maternel. Des papillons d'ivoire se posaient délicatement sur ses joues, au bord des yeux, pour mieux se cacher. Ils soufflaient des romances historiques, sévères et tendres, génitrices de ses plus belles rides. Les yeux mi-clos elle racontait son futur, emmitouflée dans la joie d'apercevoir un ciel qui semble toujours plus lumineux loin de soi. Erromango avait le pressentiment du bon présage, un vol d'oiseaux salutaire.


- Héliotrope veut s'en aller, mes amis ! Elle veut partir, elle veut partir de nos contrées rieuses et chantantes ! Alors quoi ? La laisserions-nous faire comme elle l'entend, prendre le premier bateau venu, quitter la ville, délaisser les rues les plus mal famées d'âmes damnées ? Nous, assemblée de poètes pendus au seuil du Jugement Dernier, laisserons enfuir l'une des nôtres dans un ultime exil de tendresse ? La confiserie du monde n'est pas pour nous, nous vomissons à la bouche des sucreries et nous dormons la nuit dans des baignoires d'absinthe acide. Cela renforce nos estomacs quand les vers et les cafards viennent envahir nos espaces sidéraux, juste à côté de nos latrines éventées ! De la rudesse et de la solidité ! Nous ne sommes pas faits pour les plages voluptueuses et les jus exotiques.


- Tais-toi un peu et laisse-la dériver où elle l'entend ! Elle a, comme nous tous, abusé de l'eau-forte. Certains disent que la boisson éveille l'âme ; dans ces grandes villas à taille de titans, on dit que les ancêtres habitent ensemble pour ruminer leurs vies ; que l'eau-forte est nécessaire pour les trouver, cachés de nous par les yeux incapables de discerner la moindre nuance d'existence. Taisons-nous, laissons-lui toute parole avec ses parents. Elle ira même jusqu'à lire sur leurs lèvres, le souffle à peine attiédi.


Jarrossay et Barmahuche ; encore. L'un crachait son verbe depuis ses sublimes moustaches rouges, étirées en rouleaux broussailleux, de haut du creux intimidant de ses yeux bleus, deux éclairs d'azur frappant dans l'ombre. L'autre, glabre, monocle au verre bleuté, minuscule pipe fumant des arabesques noires, rajustait à chaque phrase sa cravate en fer, sortie de son socle. Front contre front, ils postillonnaient des grêlons de colère aromatisés d'eau-forte, la boisson locale. Du noir et du blanc géométriques, lignes, courbes, instincts, froideur des corps, et la lumière qui perçait les bulles comme le soleil fait resplendir les vitraux d'une église pendant l'Eucharistie. De l'Histoire liquide, selon Jarrossay, qui en rempilait pour un bock de plus. D'après quelques borborygmes alcoolisés, on pouvait comprendre que ça lui rappelait une photo de la Pâques 1924, quand Barmahuche avait dîné chez ses parents. Photo au fond du jardin, après le repas. Il avait les bras levés et semblait claquer ses doigts, quand son ami tapait dans les mains. Il s'arrêta de parler de ça quand un de ses doigts, machinalement, tapa un rythme de danse sur la table mouillée par le vin.
La Capitaine fut la première à revenir de l'eau-forte. Les autres en étaient encore à discuter avec les toitures.



- Nous avons lancé cette réunion clandestine afin de décider comment s'appellerait notre ouvrage collectif. Pas de manifeste, encore moins de revendications. Voyez ça comme une eau-forte trop chaude, une pomme empoisonnée. Nous en étions au titre ; je vous écoute, l'un après l'autre.

- Le chant des cariatides.
- Ma vie au pôle mort.
- La contrebasse sur le toit de la R-19.
- N'aie pas peur si tout va bien.



Silence. La Capitaine dirige son vaisseau au milieu des récifs. Facilités, humours, surréalismes, sentimentalisme. Qu'une écriture qui ne respecte rien ; le lecteur à chaque fois lésé, n'importe lequel, quand les livres s'écrivent dans la fluidité lisse de la transparence fade. La grande mécanique, les machines et l'évidence sont tous en panne, cale sèche et révisions jusqu'au nouvel ordre poétique, à l'art nouveau, de l'art simple mais impossible. Le tonnerre gronde au fond des verres, le ciel se renverse quand les penseurs mugissent dans les caves, tout se renverse - warning sur l'eden, attention aux chutes des geysers de météorites, transportant les infirmes de guerre lasse et les dingues et les paumés, politico journalo médiatico mégalo. La femme-harpie, l'oiseau-pop passera sur de grandes échasses, à vomir des magazines de star par packs de cent. Tant de lignes mortelles, tant de papiers assassins, et la haine, le vice et la sournoiserie, l'écriture suppliciée, attachée à l'esprit.
La Capitaine vira de bord à tout va, fouettée par les rafales du monde, et conduisit l'équipage sur la mer calme, loin de l'orage, non loin des terres, pour un cabotage au coeur des golfes d'encres sauvegardées. Il y avait quelque chose de contre-nature dans la manœuvre : à se croire sur un canot de sauvetage d'un baleinier, face à la bête qui émerge de l'écume folle, le harpon à la main. On y croit, on y croit furieusement, sans que l'instant puisse compter sur quoi que ce soit. Feu.



Je dors sur le ventre de Jarrossay, je crois, au repos de l'onde calme. L'eau-forte a trop parlé, a rempli mes oreilles. Des choeurs gospel, semblables au Dark Light de John Frusciante, ont envahi mes pores cérébraux comme un seul soldat dans une tranchée incendiée. Nettoyage de la vermine, nuisibles et autres casques défenseurs remuant du couvre-chef. J'ai rêvé de la Capitaine, collectionneuse collectant les statues antiques, toutes masculines, au sexe coupé par l'érosion. Puis cette rue s'affirma comme capitale de mes nuits, une rue infinie, bercée par un crépuscule jamais terminé, où des animaux anthropomorphes s'abreuvent à des comptoirs de plage, côtoyant dans la verdure de la ville les humains élégants et distingués, de passage. Cité de Far West, 400 habitants, le double de croque-mitaines dans les pâturages de l'enfance. Les géants et les fées présents pour parcourir le monde en compagnie des chamans et des êtres sylvains. Le ciel enchanté par des éclats de voix est devenu multicolore, à la fête de sa millionième naissance, en laissant des trombes de couleurs tomber au sol en tourbillons de papier. Top départ pour tractions, bugattis des Années Folles, suivies par des vélocipèdes à moteurs et des zeppelins aux balcons débordant des premiers touristes. La course folle commençait là, alors que nous étions en train d'abuser de l'eau-forte, maugréant entre nous des thèmes dont la futilité extrême nous tenait les tripes, afin de nous faire rendre jusqu'au dernier de nos vers les plus fameux, ceux qu'on réserve pour les initiés, les amateurs des belles lettres, et finalement pas plus tenus que nous après quelques litres.


Je pense, la tête posée contre le ventre moelleux du type, à cette fille qui tient un hôtel-taxi dans son van, au sommet de la montagne survolant la ville. Elle dit avoir quelques milliards de chambres, sans compter la place du mort. Dévouée aux littéraires hors-la-loi, quand ils ne savent plus où passer la nuit, où même s'ils s'endormiront de nouveau un jour. "Il y a mieux à faire, qu'ils disent, raconte-t-elle en siphonnant les coeurs, ils disent ça, comme si, pour de faux. Jamais vu quelqu'un râler parce qu'il dormait. T'as qu'à demander aux clients que j'ai mis sur Orion ce soir. Pas à plaindre".
Amusante fille, mais là, bien posé sur l'oreiller qui respire, je me rends compte que personne ne lui demande jamais, à elle, pourquoi elle ne dort pas, ce qu'elle fiche ici-bas. Je suppose qu'il faut une intendance...peut-être même que c'est son bouquin, son poème, son unique vers, et qu'elle le soigne chaque jour un peu plus, pour les autres.


Une vingtaine d'heures sonne contre ma tempe. Mes jambes lèvent le reste de mon corps et je découvre les cadavres sur le pont supérieur de l'intellect poétique rassemblé. Bouteilles vides et livres éventrés, délestés au sol. Un carnage, sans parler des ronflements et mots murmurés dans le sommeil voyageur. Sur le comptoir, je mélange tous les fonds de verre pour me rafraîchir l'esprit. La mixture ressemble à du lait froid, on a dû laisser passer la date de péremption. Le coude levé, j'aperçois un fumeur dans un coin sombre, enveloppé par un volute de réglisse menthe fraîche, le chapeau jouant le phare éclairé. On dirait du Rembrandt couchant Clément Jonghe sur la toile. Un narguilé posé dans un seau à glace, une feuille de buvard et un encrier de verre gavé d'encre noire. Il trempe son pouce dans l'encrier, laisse palpiter la goutte sur sa peau, l'étale en remuant l’extrémité, délicatement, et l'appose sur le papier, pour former une empreinte rejoignant une cinquantaine d'autres. On l'appelle Cabossiora-des-Marges. Un drôle de gars qui se rend quotidiennement dans toutes les manifestations pour parler avec les gens, échanger sur la société, ses problèmes, sur l'avenir et les volontés du peuple jamais élu. Personne ne sait qu'il craint plus que tout la société, et que celle-ci l'ignore au plus haut degré. Où qu'il soit, Cabossiora se trouvera à la marge. Quand sa première maîtresse lui a demandé de marquer son nom à gauche de la feuille, le pauvre n'en est jamais ressorti. C'est ce que dit Héliotrope pour en placer une, mais elle ne sait pas que c'est aussi une cruelle vérité. Des gens existent comme ça sans connaître le moindre carreau, sans qu'on ne pose quelques questions sur la bonne santé de leurs âmes.


- De quel côté as-tu navigué, l'calfat ?
- L'électropôle.


Sa voix est douce et tranquille. Un rayon de lumière traverse la table et dévoile la poussière omniprésente, bousculée par la fumée du bonhomme. Il se pose sur le chapeau, crée un jeu d'ombres et de lumières sur sa figure. Baignant dans l'éclat, sa mine paraît encore plus sombre, morne, froide et rassie. Mal rasé, cerné par des légions de nuits sans paix, ridé par la mauvaise vie et le vin aigre, il sourit pour effacer la ruine qui le représente. Il pousse d'un geste mou un verre d'eau-forte noire, celle qu'on mélange à l'encre quand la dame boude la plume du stylo. Légende urbaine, elle ne se vit que pour elle-même, tout le reste fabrique un imaginaire qui se glorifie devant le miroir. Cabossiora le sait ; lui qui a tant bu et si peu écrit. Une lampée obscure, et me voilà emmitouflé dans les nuages de sa fumée, yeux dans les yeux. Sa bouche joue à cache-cache dans les nuages de réglisse menthe, comme un avion dans la tempête. L'eau-forte remonte ma colonne vertébrale cuite à point, comme toujours, et la bouche de l'ami Cabo se distingue, se distend pour mieux se multiplier, et faire venir les fantômes qui descendent en rappel depuis le plafond, le corps en crucifix et des larmes de jouissance perdues au creux des joues. La tonalité ressemble au gouffre de l'âme incorporée de l'ami Cabo, mais les chants entamés ont des résonances inattendues. Acier métallique, lumière formica verte table orange, changement de décors, passant d'une fraîcheur d'une campagne d'intérieur à la candeur d'un lit pourpre déversant des océans d'espoirs en attente. Par la parole se révèle un processus de création infinie, le même qui sort par un mouvement métaphysique, une impulsion mystérieuse, une voix d'ailleurs issue directement de l'âme, à tel point qu'on se plaît à croire à un grand Patron souriant un "à bon entendeur", avec le claquement de doigt sinistre de la fin du spectacle. Je relève la tête de la cuvette cosmique, dix mille mots se collent les uns aux autres pour former un nouveau théâtre en vers musiciens, une formation inédite représentant un nouveau moi, un moi que j'ignore encore, qui n'a pas encore tout saisi de l'expérience, de l'immense immersion dans le quotidien, imposée par les sens. L'eau-forte a disparu, la fumée aussi, et je suis seul à la table avec Cabossiora, qui continue de tirer sur son narguilé, sourire ridé entendu.



- De quel côté, cette fois ?
- Quelque part en transe en danse.




Les autres commencèrent à se réveiller. Barmahuche prétendit avoir vu le futur, il raconta ce qu'il avait vu en posant comme un prophète. Selon sa nuit, l'humanité va se rassembler en entité mondiale gagnée par un souci d'humanisme moral ; le peuple de ce monde pourra choisir les directions à prendre, par le biais de l'ordinateur et des réseaux. Plus que jamais les gens seront connectés, enclins au dialogue, à l'échange, à l'accueil et à l'ouverture de l'esprit. Les guerres seront avortées à la naissance des rancoeurs, les dernières religions tolérées et étudiées, comme toutes les autres formes de connaissances qui seront mises en avant. La Terre vivra son apogée à ce moment, quand l'homme sera en phase avec son environnement et avec lui-même. Après cela, finit-il, la course à l'espace fragmentera l'entité mondiale et des guerres spatiales se dérouleront sur plusieurs galaxies, entre les différents continents, partis, compagnies ou même supporters d'équipes de blitzball - le sport en vogue à l'avenir. Si certains ont apprécié cette vision, d'autres plus maussades se sont resservis un thé froid peu sucré.


Je me suis approché de Héliotrope, qui se frottait les yeux. Penché sur elle, je lui ai demandé d'une petite voix curieuse et apeurée.


- Dis, c'est comment la vie sur Erromango ?


Elle resta stupéfaite un moment puis rit de bon coeur, ses yeux laissant quelques larmes d'or couler sur ses joues roses. Elle se calma et me fixa longuement, le sourire chaleureux et les yeux compatissants.





https://www.youtube.com/watch?v=aJMIcU-LNK4
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ynos

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MessageSujet: Re: Insulaire   Insulaire I_icon_minitimeMer 1 Mai - 0:11

C'est vraiment bien écrit
Je me suis laissé emporté par tes mots, c'était une jolie ballade
mais par contre vu que tu nous laches d'un coup dans l'univers, j'ai eu beaucoup de mal à trouver mes repères, d'ailleurs je ne sais toujours pas très bien ce que c'est.

J'ai bien quelques hypothèses mais...


C'est rigolo comme tu empreintes toujours un ton de poésie, même pour tes nouvelles
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Mario
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Mario



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MessageSujet: Re: Insulaire   Insulaire I_icon_minitimeMer 1 Mai - 0:36

Des hypothèses ? Développe Wink


Allez, même si ce n'est pas le bon sujet
https://www.youtube.com/watch?v=zXhqPDVMPPI
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ynos

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MessageSujet: Re: Insulaire   Insulaire I_icon_minitimeMer 1 Mai - 1:07

Un monde que s'invente des petits enfants qui jouent dans le jardin

C'est la dernière réplique qui me fait penser à ça
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Mario
Ecrivain
Mario



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MessageSujet: Re: Insulaire   Insulaire I_icon_minitimeMer 1 Mai - 1:17

C'est exactement ce qu'on veut faire avec Deedlit (de son pseudo ici), effectivement. En plus rigoureux qu'un simple jeu, plutôt un système d'écriture, de valeurs, de mode de vie. Création continue, plus ou moins originale, apportant un peu de rêve - mais on préfère le terme de fantaisie, plus...créatif, justement.


Les choeurs de Frusciante parlent depuis l'Eden...
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MessageSujet: Re: Insulaire   Insulaire I_icon_minitime

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