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 La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte

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Coco.B
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Coco.B



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MessageSujet: La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte   La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte I_icon_minitimeLun 18 Aoû - 21:02

Bonjoir !
Ce conte que je soumet à votre critique (aiguisée), n'est pas un écrit enfantin parce que je ne l'ai pas écrit quand j'étais plus jeune, puisque je l'ai terminé aujourd'hui même, mais parce que c'est un conte et donc un écrit réserver à la base aux enfants. J'ai écrit ça en deux jets hier et aujoud'hui même si l'idée me trottait dans la tête depuis un bon moment.
De par la nature de ce genre d'écrits, je me suis peut-être un peu laissée aller dans le style, n'hésitez donc pas à faire des remarques. Sur ce, je vous laisse faire connaissance avec La petite fille qui ne finissait jamais les livres.

La petite-fille qui ne finissait jamais les livres


Il y avait une petite-fille dans un pays lointain. Ses parents étaient riches. Ils tenaient une entreprise de papier et d’imprimerie. C’était grâce à eux que tous les livres du pays étaient imprimés. Ainsi, ils possédaient toutes les premières éditions de tous les romans, de toutes les nouvelles, de toutes les bande-dessinées écrits par les auteurs du pays. Cependant, leur travail leur demandait de partir toujours plus loin et toujours plus souvent de leur maison pour trouver le meilleur papier possible car comme disait le père : « tous les papiers ne conviennent pas à tous les livres ! ». Cela ne leur laissait donc pas beaucoup de temps pour leur fille et encore moins pour lire toutes ces œuvres qui s’entassaient dans leur immense bibliothèque. Heureusement, leur petite-fille, qui était très curieuse, lisait beaucoup. Lire était son activité favorite.. En rentrant, elle entrait directement dans la grande pièce, la plus grande de la maison, longue de vingt mètre et hautes de six, et jetait son cartable. Elle se plantait alors devant les étagères, et, pendant plusieurs minutes, observait les tranches des livres. Ce n’était pas le nom des auteurs qu’elle cherchait, ou les titres, puisqu’elles ne connaissait que très peu les uns et ne voyaient pas tous les autres à cause de la hauteur ; mais la couleur de leur couverture. Suivant son humeur, ses activités dans la journée, ce qu’elle avait mangé au goûter – tartines de confiture ou pomme, un jour sur deux – certaines couleurs la répugnaient tandis que d’autres l’attiraient irrésistiblement. Une fois qu’elle avait choisi, elle attrapait un des barreaux de l’échelle et grimpait. Elle préférait prendre les livres du haut parce qu’elle considérait qu’aller les chercher devait être une aussi grande aventure que de les lire. Et encore plus, elle aimait faire peur à sa nourrice qui s’agitait et lui criait de descendre, qu’elle allait se faire mal, tomber, finir à l’hôpital et que ses parents seraient fort tristes. Cela l’amusait de voir cette petite femme arracher les cheveux de son si parfait chignon et de chiffonner son torchon repassé chaque matin. Elle aussi avait besoin d’aventures et c’était sa façon à elle de lui en faire vivre. Quand enfin elle était redescendu – sans chute à déplorer – elle s’installait dans les coussins, sur le bord de la fenêtre, et lisait jusqu’au souper. Parfois, entre deux chapitres, elle regardait le ciel dehors, et sur les nuages ou le bleu immaculé suivant que ce fut l’été ou l’hiver, elle se représentait l’histoire qu’elle était en train de lire. Quand il y avait des nuages, cela était plus simples parce qu’ils prenaient toutes sortes de formes selon que son imagination le demandait à sa vue. Cependant, lorsqu’il n’y avait que l’azur, son imagination était encore plus libre et l’histoire prenait des dimensions infinies.
Lorsque le dîner était servi, une cloche retentissait, la tirant de son livre. Elle n’aimait pas vraiment cette cloche, parce qu’il rompait ses instants de plénitude et parce que la cloche étant vieille et fêlée, elle émettait un son aiguë à la sonorité mauvaise. Elle délaissait donc l’œuvre qu’elle avait entamée, veillant à bien mettre le fil d’or que son papa lui avait ramené du pays de l’or à la page à laquelle elle s’était arrêtée afin de pouvoir le reprendre une fois sa soupe avalée. A table elle racontait ce qu’elle avait lu, à sa nourrice et à ses parents quand ils étaient là. Mais ses paroles se perdaient dans le vide et la fumée des mets car l’une n’avait aucun intérêt pour la littérature tandis que les autres étaient souvent trop fatigués. Ensuite, après le dessert, elle retournait dans la bibliothèque. Quand sa maman était à la maison, elle la suivait et lui lisait à haute voix la suite pendant qu’elle regardait les étoiles jouer les scènes. Elle aimait beaucoup que sa mère lui lise la suite. Elle avait une voix douce de maman et de femme cultivée. Elle savait toujours mettre les bonnes intonations. Sous ses paroles, les histoires devenaient des torrents incroyables remplis de merveilles. Quand la petite-fille lisait seule, c’était souvent moins palpitant, parce qu’elle ne comprenait pas tous les mots et était trop jeune pour comprendre certains comportement, certaines réactions des personnages. Mais quand elle était seule elle pouvait rester plus longtemps à lire, parfois jusqu’à si tard que la nourrice rentrait soudainement en trombe dans la pièce, l’attrapait par le col de son pyjama et la fourrait dans le lit en veillant de lui avoir tout d’abord bien fait la morale pendant dix minutes. Ainsi, la petite-fille avait plutôt appris à s’endormir sur ce genre de mots que sur des contes de princesses et de sorcières. D’autant que les sorcières ne l’impressionnait pas parce qu’il y en avait beaucoup dans le royaume dont une qui s’occupait d’ouvrir et de fermer le portail de l’école. Ainsi, elle ne finissait jamais le livre qu’elle avait entamé, et le lendemain elle en choisissait un autre, car elle pensait que revenir sur une œuvre gâchait l’aventure parce qu’on l’avait arrêtée en plein cours. Elle voyait cela comme la lassitude qui envahi un aventurier sans peur lorsqu’il se réveille d’une longue sieste après avoir tué deux méchants et trois tigres. En se réveillant de cette sieste il n’est plus aussi efficace et donc moins drôle à suivre.
A se coucher tard, la petite-fille était souvent fatiguée. A lire incessamment sans finir les livres, elle passait son temps à l’école à imaginer la suite. Ainsi, elle n’excellait pas vraiment. Sauf en lecture bien sur, où elle était première à chaque trimestre et ce depuis qu’elle avait commencé à aller à l’école. Mais comme elle n’était pas turbulente, les maîtres la remarquait rarement et ne se formalisaient pas de son goût peut prononcé pour les études. Elle trouvait d’ailleurs cela assez bête, l’école. Elle pensait qu’on apprenait certainement plus et avec plus de plaisir dans des pages de romans que sur un banc devant un tableau noir et un maître serré dans son costume. Elle s’en était entretenu avec son père un soir. Il lui disait qu’elle avait sûrement raison mais qu’elle devait quand même y aller parce que quand on ne finissait pas les livres on n’apprenait pas vraiment. Elle trouvait qu’il avait bien tort mais comme il lui avait dit « si un jour tu termines un roman, tu pourras rester à la maison », et qu’elle n’avait aucune intention d’en terminer un, elle continuait à s’y rendre chaque jour.
Dans la cours de récrée, elle était souvent toute seule, parce que les autres enfants ne lisaient pas et n’avaient rien d’intéressant à lui dire. Elle avait bien essayé de s’intégrer une fois, parce que son papa lui avait dit que cela serait bien, et avait donc accepté de jouer à un jeu de balle idiot. Elle avait tenu cinq minutes avant que le ballon n’atterrisse directement sur sa figure et lui fasse saigner le nez. Les garçons s’étaient moqué et les filles avaient eu peur. Depuis, elle évitait les jeux de balles et les autres. Alors, elle s’asseyait au pied du plus grand arbre de la cour, ouvrait sa boîte à goûter et mangeait lentement, patiemment, en autant de minutes qu’il fallait à la récréation pour se dérouler. Elle aimait bien prendre son temps pour savourer ses tartines ou sa pomme, un jour sur deux, et en plus elle avait lu que manger lentement était bon pour la santé et pour rester mince, comme sa maman. Elle trouvait seulement dommage que cela ne permette pas d’avoir des lunettes, car elle trouvait que cela faisait très sérieux. Mais son excellente vue l’empêchait d’obtenir cet accessoire qui seyait si bien à sa mère et qui semblait rendre tellement intelligent. Elle en avait essayé une paire une fois, qui traînait sur la table de cuisine. Elle avait eu si mal à la tête ensuite qu’elle n’avait plus réessayer. Une autre fois, cependant, sa curiosité pour les verres toujours présente, elle s’était essayée au monocle de son papa. Comme cela ne prenait qu’on œil elle n’avait eu mal qu’au côté gauche de la tête. Elle avait d’ailleurs trouvé cela idiot de ne voir bien que d’un seul œil alors que voir bien avec les deux était si pratique. Mais son père insistait sur le fait que « le monocle ça vous donne une classe que les lunettes sont incapables de reproduire » et que « pour une personne de sa classe sociale, porter le monocle était un droit et même, que dis-je, un devoir ! ».
Un jour qu’elle était assise, mangeant sa pomme du jour sur deux au pied du grand platane, un bruit attira son attention. Ses dents stoppèrent avant que le fruit ne fut entamé d’une troisième bouchée. Ce bruit elle le connaissait très bien, elle l’entendait chaque soir. C’était le bruit d’une page qu’on tourne. Le son d’un livre racontant son histoire. Elle se retourna avec précaution, de peur de chasser se son qui résonnait à son oreille comme un songe ténu. Blond, coiffé d’un casquette bleue, et le visage orné de lunettes, il lisait avec attention. Il portait des lunettes. Ajouté à cela son intérêt pour la littérature, la petite-fille pensa qu’il devait être bien intelligent. Elle ne put donc retenir ses lèvres pour lui demander ce qu’il lisait. Il leva la tête pour la regarder, et ferma son livre.

- Ne le ferme pas, tu ne te souviendras plus de la page que tu lisais.

- C’est pas grave.

- Ah bon ? Tu arrives à la retenir sans fil d’or ?

- Non, mais c’est pas grave. Je m’en fiche.

- Ah bon ? Mais alors tu recommences depuis le début ?

- Non. Je ne le lis plus.

- Toi aussi tu trouves qu’arrêter un livre ça empêche de le continuer ?

- Non. Je m’en fiche, c’est tout.

- Pourquoi ?

- Parce que j’aime pas lire.

La petite-fille n’en revenait pas. Comment pouvait-on lire quand on aimait pas ça ? Comment pouvait-on ne pas aimer ça ?

- Pourquoi tu lis alors ?

- Parce que ma maman m’a dit de le faire. Elle dit que lire ça fait sérieux et ça attire les autres enfants et que du coup on a des amis. Elle doit avoir raison parce que tu es venue.

- Oui, parce que je croyais que tu aimais lire.

- Ben non, j’aime pas ça.

- Alors ta maman avait tort.

- Pourquoi, j’ai pas l’air intelligent ?

- Non, parce que je vais pas être ton amie.

- Pourquoi ?

- Parce que tu n’aimes pas lire.

- Et alors ?

- Alors moi j’aime ça, lire.

- C’est idiot.

- Moins que de ne pas aimer ça. Les livres ça rend intelligent et ça apprend mieux que l’école.

- Pourquoi tu viens alors ?

- Parce qu’il faut les finir pour bien apprendre et que moi je les fini jamais.

- C’est encore plus bête.

- Non. Mais tu peux pas comprendre.

- Ouais, et j’ai pas envie de comprendre. Bon, je vais plus loin voir si mon bouquin attire d’autres gens plus mieux que toi.

Il avait dit bouquin. Il avait osé utiliser ce mot que ses parents avaient qualifié un jour de gros mot. Ils disaient que si on respectait les écrivains et leurs paroles, on ne disait pas « bouquin » mais « livre », « œuvre » ou encore mieux « ouvrage ».
Il lui avait dit qu’elle était bête et inintéressante. En voyant le vide qui l’entourait, elle se disait qu’il avait peut-être raison. Personne ne lui parlait et c’était peut-être parce qu’elle ne trouvait aucun intérêt dans les choses de son âge. Cela la rendit très triste et toute le reste de sa journée fut couverte de gris, couleur qui définirait ce qu’elle lirait le soir. Lorsque la sonnerie retentit, et s’était chose rare, elle fut longue à ranger ses cahiers, à passer sa veste et les sangles de son cartable sur ses épaules, et enfin à sortir de la classe. La tristesse l’avait rendue si lourde, si lasse, qu’elle arriva au portail alors que la sorcière s’apprêtait à le fermer. Cette dernière, bon juge de caractère et fine psychologue, remarqua la mine atterrée de la petite-fille et s’en inquiéta.
Elle lui dit :

- Qu’est ce qu’il y ma petite ?

- Rien…

- Je vois bien que ça ne va pas. Dis moi tout.

- Je ne vous connais pas. Ce serait bizarre et pas bien.

- Je ne dirai rien. Allez, raconte, qu’est ce qu’il y a ?

- Il y a que les gens me parlent pas parce que j’aime lire et que eux non.

- Ah oui, c’est embêtant ça. Tu aimerais bien que cela change.

- Oui. Mais je sais pas comment faire.

- Je peux t’aider.

- Ah oui ?

La petite-fille était soudain sortie de sa torpeur. Elle ouvrait à présent de grands yeux emplis de curiosité vers la sorcière qui lui souriait malicieusement.

- Oui. Ferme les yeux.

Elle obéit. Elle resta ainsi de longues minutes sans savoir ce qu’il se passait. A force, sa patience fut épuisée et elle les rouvrit. La sorcière avait disparu. La petite-fille était devant l’école, le portail était fermé à clé. Elle se dit alors qu’elle avait rêver. Ou que la sorcière avait voulu lui faire une farce. Si c’était le cas elle ne trouvait pas cela drôle du tout. Elle trouvait juste ça méchant. Elle rentra chez elle dans une humeur noire qui lui fit passer la soirée dans un livre documentaire sur les oiseaux des glaciers. Un ouvrage lourd et indigeste rempli de mots incompréhensibles et de bien peu d’aventures. Sa nuit fut rythmée de rêves plats, cauchemardesques pour certains – car elle avait appris au détour d’une bande-dessinée que l’on rêve plusieurs fois par nuit – mais toujours désagréables.

Le lendemain, se fut le soleil sur son oreiller qui l’éveilla. Cela était étrange. On était en hiver et la nourrice la réveillait toujours avant le jour en cette saison. Elle appela cette dernière sans recevoir de réponse. Encore plus étrange. Elle se leva donc, enfila un pull car on était bien en hiver et que la maison était toujours froide le matin. Elle descendit les escaliers, ses pieds s’enfonçant dans la moquette insinuant en elle une envie presque irrépressible de retourner sous les couvertures. Elle se dirigea naturellement vers la cuisine où la nourrice était généralement affairée à cette heure du jour et toutes les autres heures. Elle était vide. Son bol de chocolat chaud fumant n’était pas sur la table. Ses tartines n’étaient pas préparées, le pain pas coupé, son verre de jus d’orange absent. Elle se rendit dans la chambre de la nourrice. Elle était recouverte de la même absence. Le lit était fait au carré, comme si il n’avait pas été défait depuis la veille. Elle fit ainsi toutes les pièces de maison pour toujours trouver le néant. C’est par la bibliothèque qu’elle finit. Elle fut estomaquée par ce qu’elle y découvrit. Devant la cheminée, dans trois fauteuils de cuir élimés, son père, sa mère, et la nourrice lisaient. De ces 7 ans de vie, elle n’avait jamais eu l’occasion d’observer un tel tableau. Les trois adultes semblaient absorbés par leur lecture, à tel point qu’ils ne répondirent pas lorsqu’elle tenta d’attirer leur attention. Elle appela donc avec plus de force, cela pour recevoir finalement un « laisse nous ma puce, nous sommes occupés » de son père qui avait passé des lunettes sur son visage pour compenser l’inefficacité de son monocle. La petite-fille se résigna donc à se débrouiller par elle-même. Elle se rendit dans la cuisine et prépara son petit-déjeuner. Ensuite elle enfila sa blouse, prépara sa boîte à goûter et prit le chemin de l’école. Le portail était grand ouvert mais la cour était innocupée. Elle trouva les maîtres et les élèves dans la grande salle commune, tous un livre à la main, assis sur des chaises, par terre, sur des coussins, allongés sur le dos. Comme pour ses parents et la nourrice, elle n’obtint aucune réponse lorsqu’elle appela pour attirer l’attention.
Tout cela était vraiment bizarre, et anormal, elle le savait. Elle tenta de comprendre comment le monde avait ainsi pu changer du jour au lendemain. Elle compris alors qu’elle passait devant la sorcière pour sortir de l’établissement. C’était cela ! La sorcière ne lui avait pas joué un tour, elle n’avait pas rêvé. Elle avait réellement jeté un sort pour que tout le monde aime les livres. Elle l’avait bien aidé !
La petite-fille rentra donc chez elle, monta à l’échelle, attrapa un livre à la couverture bleue, s’assit sur les coussins de la fenêtre, une couverture sur les genoux, et lut jusqu’à minuit, ne s’arrêtant que pour manger quelques tartines aux heures des repas. Le marchand de sable l’emporta pourtant sur elle et la conduisit au lit sans lui laisser le temps de finir les trois dernières pages d’un énième roman qu’elle ne terminerait pas.
Le lendemain se déroula de façon identique, ainsi que les cent jours suivant. Tout le royaume était paralysé. Le roi n’écrivait plus de lois, les chevaliers ne combattaient plus, les princesses ne coiffaient plus leurs cheveux, les fées ne faisaient plus le bien, les grands méchants loups ne mangeaient plus de grands-mères, les banquiers ne faisaient plus les comptes, les paysans ne travaillaient plus leurs champs, les maîtres ne faisaient plus la classe, les enfants ne jouaient plus à la balle, les écrivains n’écrivaient plus et les parents de la petite-fille n’imprimaient plus rien. Rien ne se passait, les gens ne se parlaient même plus. Le royaume était plongé dans l’immobilité et le silence. La petite-fille trouvait cela triste et commençait à s’ennuyer de ne plus aller à l’école, de ne plus entendre la nourrice faire la morale et sa maman lui lire la fin des histoires de sa douce voix. A force de voir toujours la même chose elle commençait à passer plus de temps dans le ciel que dans les livres. Le ciel lui, changeait de couleur, de forme, de texture, d’humeur. L’aventure des ouvrages lui semblait moins présente de par sa régularité, sa continuité. Lorsqu’elle allait en classe chaque jour, elle savourait mieux ses lectures parce qu’elle les attendait toute la journée durant. Les livres avant avaient le goût sucré de l’impatience. Ils avaient aujourd’hui le goût âpre du quotidien. Alors, au cent et unième jour, la petite-fille retourna voir la sorcière. Elle la trouva plongée dans un livre de cuisine espagnole. Sans prendre la peine d’utiliser la force des mots, elle se porta sur une solution plus radicale : elle arracha le livre des mains de la jeteuse de sorts.

- Fait redevenir le monde comme avant.

- Comment ça comme avant ?

- Maintenant que les gens aiment lire ils ne font plus que ça et rien ne se passe. C’est ennuyeux et triste.

- Et si je n’ai pas envie ?

- ça m’est égal, tu vas le faire.

- Pourquoi ?

- Parce que le monde n’est pas comme il est censé être, et c’est mal. Jette un nouveau sort.

- Le mot magique ?

- S’il te plait.

La sorcière émit un long soupir las mais céda à la requête.

- Ferme les yeux.

La petite-fille obéit. Elle fit bien attention de ne les rouvrir qu’après plusieurs minutes. Alors, elle rentra chez elle et s’endormit, étant sure – ou presque – que le lendemain matin le monde serait devenu comme avant.
Il se trouva qu’elle avait raison. Aux aurores la nourrice rentra en trombe dans la chambre et la secoua pour la réveiller. Etrange. D’habitude la nourrice la réveillait toujours en douceur car elle avait lu dans un livre sur les enfants que les réveiller avec brutalité les empêchait de bien grandir. Ainsi, elle entrait dans la chambre et caressait doucement la joue de la petite-fille pour la tirer de ses rêves sans les briser en mille éclats. Pourtant, ce matin elle l’avait réveillé sans douceur aucune, avec la violence d’un ouragan secouant les branches des arbres jusqu’à les arracher du tronc. Elle ne fit pas de remarque cependant, de peur d’attiser l’apparente mauvaise humeur de la nourrice. Elle descendit donc à la cuisine où l’attendait un petit-déjeuner, certes, mais brûlé et infâme ; et ses parents, d’humeur tout aussi écrasante. Il était rare qu’ils soient présents le matin avec elle, et généralement lorsque c’était le cas ils arboraient toujours un immense sourire marquant leur bonheur de prendre les tartines du matin en famille. A la vue, donc, de ses trois adultes préférés ainsi, elle comprit que quelque chose n’allait pas et que le sort de cette sorcière du dimanche en était certainement la cause. Elle voulut confirmer ses pensées et se rendit à l’école où elle trouva tous les enfants dans la cour, jouant au ballon et se roulant dans les flaques laissées par la neige récemment fondue. Rien d’anormal là-dedans. Elle s’assit sous son arbre et attendit la fin de la récrée. Qui ne sonna pas. Elle passa une heure assise par terre, enroulée dans son gros manteau, son trognon de pomme sur les genoux jusqu’à ce que la situation finisse par s’imposer définitivement comme bizarre. Elle alla voir les maîtres qui débattaient avec activité des avantages et inconvénients comparés des bottes de cuir et de fourrure pour l’hiver.

- Pourquoi ne sonnez vous pas le début de la classe messieurs ?

- Parce que nous n’avons pas préparé nos leçons.

- Et bien faites le, ouvrez vos livres !

- Ouvrir un livre, quelle horreur ! Et puis tout le monde s’amuse tellement ! Allons va jouer.
Je vous disais donc que le cuir, sur la neige fondue s’abîme de façon irréversible….

Les maîtres ne voulaient plus lire. Ils n’aimaient plus cela. La sorcière n’avait pas rendu son ordre au monde, elle avait simplement inversé son sort ! Les gens, de passionnés de littérature étaient passés à analphabètes incultes. Le résultat fut plus désastreux encore.  
A ne pas lire, tous devinrent des rustres. Le roi ne savait plus comment gouverner, les princesses n’étaient plus secourues par les pinces qui ne lisaient plus les vieux contes, les maîtres ne faisaient plus la classe, les élèves grandissant sans éducation, les paysans ne labouraient plus car sans l’encyclopédie ils ne savaient comment bien faire, les personnages de contes commençaient à disparaître de ne plus être lus, les écrivains ne voulaient plus écrire par dégoût de se relire, et les parents de la petite-fille avaient fait faillite sans livres à imprimer et sans envie de les imprimer, et pire que tout les sorcières ne jetaient plus de sorts qu’elles tiraient avant des ouvrages ésotériques. Le royaume était sans dessus-dessous  et son seul espoir reposait sur les épaules de notre petite-fille. Elle se plongea donc dans tous les ouvrages qu’elle trouva. Des documentaires aux bande-dessinées, en passant par les contes et les romans d’amour. Chaque soir elle en ouvrait un nouveau mais elle n’apprenait jamais rien de concret. Un soir qu’elle entamait son centième livre de recherches, la phrase de son papa lui revint : « si on ne termine pas les livres, on n’apprend pas vraiment ». Sa solution se trouvait forcément à la fin d’un ouvrage, dans les derniers mots contenant la morale, la leçon à retenir. Il fallait qu’elle se résolve à lire en entier chacune des œuvres qu’elle avait ouvert jusque là. Elle se força, fit preuve de patience et de beaucoup de courage pour réussir à reprendre avec envie les œuvres qu’elle avait refermées la veille. Elle y parvint cependant et découvrit que son papa avait raison. Elle trouva le sort qu’il lui fallait à l’ultime page d’une Encyclopédie des sort et des soupes de crapauds. C’était une recette. Elle nécessitait du camphre, du paprika, du thym, du romarin, des poils de chauve-souris, du tabac, et un feuille du papier de la meilleur qualité. Elle ne savait où trouver tout cela. Elle lut encore beaucoup d’autres livres qui chacun lui révélèrent dans leurs dernières paroles où chercher. Elle rassembla ainsi tous les ingrédients sauf le papier. Il y en avait plein la maison, il lui fallait seulement trouver celui qui conviendrait le mieux. Aussi délaissa-t-elle la bibliothèque, le soir du deux-cent huitième jour du sort, pour se rendre dans le bureau de ses parents. C’était une pièce qu’elle fréquentait peu car elle était la plupart du temps fermée à clé et qu’elle empestait le travail qui rongeait la vie. Dans le fond se trouvait une armoire taillée dans un des arbres de la forêt personnelle du roi. Ce dernier l’avait offert à ses parents pour leur service rendue à la culture nationale. Immense, massive, une vague d’importance se dégageant de son bois, elle renfermait chaque feuille de chaque papier trouvé au quatre coins du monde. Avec précaution, comme par peur de déranger le silence imposé par le meuble royal, elle fit tourner la grosse clé d’argent et d’or dans la serrure. Les portes s’ouvrirent avec la lenteur solennelle des instant importants pour découvrir une centaines d’étagères remplies de papiers. Chacune portait une étiquette. Papier elfique, peau de cheval, parchemin de blé, écorce de bouleau, algues de la rivière du Sud. La petite-fille s’étonna de tout ce dont on pouvait user pour faire du papier. Elle trouvait incongru qu’avec un matériau de base humide comme l’algue, on puisse obtenir une feuille lisse, sèche, sentant le blé coupé ; qu’avec les céréales utilisées pour faire la farine, on puisse créer un papier rose pâle aux effluves de montagne. Chaque page immaculée avait une couleur, une texture, une odeur, une aura, une âme différente qui rendaient plus claires les paroles du père. Elle comprenait qu’un papier elfique, émanant une douce lueur était incompatible avec un roman noir, ou que la peau de cheval, de couleur marron ne convint pas à un roman d’amour ou encore que la simplicité du bouleau ne convienne pas à la complexité d’une nouvelle psychologique. Alors, quel papier choisir. Laquelle de ces feuilles était la plus à même de parfaire la recette ? La petite-fille passa plusieurs heures à contempler les étagères comme elle contemplait les œuvres de la bibliothèque chaque soir, inspectant chaque aspérité du papier, chacun des sentiments qu’il lui inspirait suivant qu’il venait d’un endroit ou d’un autre. Ses doigts effleurèrent les grains, la douceur des pages, cela plusieurs fois. Elle porta finalement son choix sur un papier tout particulier. Fait à base d’ébène, il était blanc comme la neige au lendemain de la tempête, doux comme le pelage de l’hermine en hiver, chaud comme les après-midi de printemps, solide comme le paysan aux champs depuis l’enfance, et sensible comme l’homme qui aime les autres plus que lui-même. Il portait en lui la force de l’humanité et l’infini de l’univers parce qu’il avait été fait de l’un des arbres les plus durs et les plus beaux qu’elle connaisse. C’était la feuille qu’elle cherchait. Celle qui sauverait le royaume.

Sans attendre, elle se mit au travail. Elle suivit les instructions à la lettre, et au matin, le sort était prêt. Elle dit la formule, ferma les yeux, et en aveugle, se glissa jusqu’à son lit où elle s’endormit du sommeil lourd qui suit une tâche accomplie avec zèle.

Elle sentit une main douce et rude effleurer sa joue. Elle soupira et ouvrit les yeux. La nourrice la regardait avec un regard qu’elle ne lui avait jamais connu. Rien d’ailleurs, n’était vraiment comme avant. Après plus de trois cent jours passés dans le chaos et l’incohérence, le royaume s’éveillait dans un souffle nouveau, plus beau et plus brillant. Le cour des choses reprit sa trajectoire. Le roi revint à la raison, les princesses furent délivrées pour continuer à coiffer leur longues chevelures, les écrivains étaient repris de la frénésie de l’écriture, ses parents étaient retournés aux affaires avec plus d’énergie que jamais tout en veillant à se limiter pour pouvoir lire à leur fille toutes les histoires qu’elle n’avait pas terminé, les enfants retrouvèrent leurs jeux, grandirent en même temps que leur savoir que les maîtres recommençaient à leur inculqué de façon toujours plus ardue. Enfin, les personnages de contes reparurent avec l’aide des fées et des sorcières retournées à leur magie.

C’est ainsi qu’une petite-fille qui n’aimait pas terminer les livres fini par les avaler de la première à la dernière ligne, et que chacun reprit le goût de lire – avec modération - si essentiel à la vie.


FIN


Dernière édition par Coco.B le Mar 23 Sep - 16:50, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte   La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte I_icon_minitimeMer 20 Aoû - 15:48

Je l'ai lu. A part quelques formulation que j'ai trouvé maladroite, c'est un conte bien écrit.
Ce que j'ai bien aimé dans l'idée, c'est que c'est un conte de fées qui parle de conte de fées. C'est la première fois que j'entends parler de contes de fées dans un conte de fées. C'est original. Very Happy
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MessageSujet: Re: La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte   La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte I_icon_minitimeJeu 21 Aoû - 11:53

Merci Smile
Lit les pièces de Evgueni Schwartz tu en trouveras pleins des contes dans les contes !
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MessageSujet: Re: La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte   La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte I_icon_minitimeJeu 28 Aoû - 15:57

Aaaah Evgueni Schwartz... que de souvenir ! Wink
J'aime beaucoup ton style d'écriture mais ça tu le sais déjà !
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MessageSujet: Re: La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte   La petite fille qui ne finissait jamais les livres ou Premier conte I_icon_minitime

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